MALI : Histoire contemporaine
Regroupé au sein de l’Afrique occidentale française, le Mali accède à l’indépendance en 1960. Modibo Keita, le premier président élu après l’indépendance est renversé en 1968 par le lieutenant Moussa Traoré. Il impose un régime militaire et autoritaire durant 23 ans, avant de céder le pouvoir en organisant des élections démocratiques, sous la pression de la rue et de la communauté internationale. Sous les présidences successives d’Alpha Oumar Konaré (1992-2002) et d’ « ATT », Amadou Toumani Touré (2002-2012), le Mali est cité comme un exemple d’une démocratie modèle auprès d’autres pays du continent. ATT est renversé le 22 mars 2012 par des militaires dirigés par le capitaine Amadou Haya Sanogo qui profite de mouvements populaires de masse dénonçant un régime corrompu et de l’explosion d’une crise politico-sécuritaire sans précédent au Nord du pays.
Le conflit depuis 2012
Alors que Bamako ne parvient pas à gérer la chute du Président déchu et à mettre en œuvre la transition politique impulsé par la CDEAO, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) qui regroupe des mouvements politico-militaire touaregs revendique la constitution d’une entité́ territoriale autonome dans le nord du pays. La rébellion se radicalise progressivement, à la faveur du déversement dans le pays des armes provenant de la guerre civile libyenne de 2011.
Le conflit malien devient alors rapidement très complexe en faisant intervenir une multitude d’acteurs : de nouveaux groupuscules, dans le sillage du MNLA, souhaitant s’affranchir de l’autorité de Bamako ; des groupes se réclamant de l’Islam radical (MUJAO, Ansar Dine, AQMI) qui voient l’opportunité de s’installer durablement dans cette région géographiquement stratégique ; mais aussi des groupes locaux profitant du chaos pour pratiquer le banditisme et toute forme de trafic.
La rébellion touareg et les groupes terroristes alliés à AQMI prennent le contrôle de Kidal, Gao et Tombouctou entre le 30 mars et le 1er avril. L’Etat du Mali, dans l’incapacité́ de faire face à la puissance de feu des djihadistes, fait appel à la communauté́ internationale. En janvier 2013, la France, sous mandat de l’ONU, conduit l’opération Serval pour mettre fin à la progression des mouvements djihadistes vers la capitale, et appuyer l’armée nationale malienne dans sa reconquête des territoires occupés (de Mopti jusqu’au Nord). Mais l’intervention militaire « éclair » désirée par la France laisse bientôt place aux difficultés sur le terrain (massifs d’Ifoghas) et aux doutes dans l’opinion publique malienne, qui s’interroge sur les véritables motivations de l’ancienne puissance coloniale. Malgré la pression de la France, l’ONU peine à mobiliser des troupes pour prendre le relais et déployer les casques bleus de la nouvelle mission de maintien de la Paix, la MINUSMA qui prend position en juillet 2013.
Dix-huit mois après son lancement, l’opération Serval est rebaptisée opération "Barkhane", en élargissant son objectif vers une mission permanente de lutte contre le terrorisme au Sahel. 3000 militaires français restent engagés.
Un premier accord de Paix signé à Ouagadougou entre le MNLA et l’Etat intérimaire malien en juin 2013 ouvre la voie à la tenue d’élections présidentielles et législatives. « IBK », Ibrahim Boubacar Keïta, est élu au second tour de la présidentielle avec 78 % des voix, sur un programme axé sur le dialogue, le retour de la paix, de la sécurité et l’unité du Pays.
Une année plus tard (juillet 2014), le gouvernement et six groupes armés s’accordent à Alger sur un document fixant la "cessation des hostilités" dans le cadre de négociations de paix. L’accord n’est signé qu’en juin 2015, d’abord en l'absence des principaux groupes de la rébellion à dominante touareg, qui finissent par se rallier.
La crise débutée en 2012 est la quatrième « rebellion touareg » depuis l’indépendance du pays. La première eut lieu pendant les premières heures de l’indépendance, en 1963, sous le régime du président socialiste Modibo Keïta. La deuxième, déclenchée en 1990, fut conduite par des jeunes Touaregs revenus de Libye. Mai 2006, la troisième rébellion fut déclenchée par l’Alliance démocratique pour le changement. Frustrée d’être exclue des pourparlers de Paix, l’Alliance Touareg Niger-Mali poursuit ses attaques contre les villes garnisons du nord en enlevant des soldats et en s’attaquant à des symboles de l’Etat.
Malgré les accords de paix, l’Etat reste absent et ne parvient pas à restaurer son autorité sur les régions du Centre et du Nord du Pays (Mopti, Gao, Kidal, Tombouctou). Des milices d’autodéfenses se sont solidement implantées, profitant de la déliquescence et de l’image corrompue des Institutions pour substituer une administration parallèle, y compris la Justice, la Sécurité, la santé et l’Education. La Paix reste fragile, régulièrement ébranlée par des affrontements entre groupes militaires qui ne désarment pas leurs troupes, et dernièrement à travers des attentats isolés dans des quartiers fréquentés de Bamako.
Quatre gouvernements se sont succédés sous la Présidence d’IBK, minée par une classe politique très divisée et un dialogue difficile, mais aussi par le mécontentement de la population épuisée d’une situation économique très difficile et les inégalités croissantes à tous les niveaux.
Les prochaines élections générales sont fixées pour mars 2018. Cette échéance reste peu réaliste si l’on considère qu’une grande partie de la population au Nord de la ville de Mopti ne pourra peut être pas se rendre aux urnes.
Il est indispensable d’éclaircir l’utilisation du terme « Djihadiste » dans le contexte du centre Mali.
Les témoignages rapportés par les enquêtes menées par des ONGs internationales mettent en évidence que les forces gouvernementales maliennes (FAMA) ont mené des opérations militaires contre les groupes armés islamistes qui ont fréquemment débouché sur des arrestations arbitraires, des mauvais traitements et des actes de torture auprès des populations accusées de complicité, notamment sur des communautés peuls et dogon. Il ressort également que les violences qui touchent le centre du Mali ont pour causes les clivages intercommunautaires et les frustrations des communautés, en majorité nomades, contre leurs propres élites au niveau local, et contre les agents de l’État.
Les communautés reprochent aux agents de l’État d’être corrompus et partiaux lors de la gestion des conflits inter et intracommunautaires. Par conséquent, c’est souvent en réaction aux exactions des forces armées que certains ressortissants des communautés locales ont rejoint les mouvements djihadistes et se positionnent désormais en ennemis de l’État malien et des représentants de l’administration. Pendant l’occupation djihadiste, la plupart des leaders peuls ayant fait allégeance au MUJAO avaient avoué que leur intention n’était pas de combattre l’État, mais de se procurer des armes. Le djihad semble être davantage un alibi en vue d’atteindre leurs objectifs de former des milices d’autodéfense.
Sources
*Cahiers de la Méditerranée - La nouvelle géopolitique du Sahel, une opportunité pour refonder le partenariat euro- maghrébin ? - Aomar Baghzouz
*CAIRN - Crise Malienne : Quelques clefs pour comprendre - Jacques Fontaine, Addi Lahouari, Ahmed Henni
*ICG - Mali central : la fabrique d’une insurrection
*Résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies
*La situation sécuritaire dans les pays de la zone sahélienne - Henri Plagnol et François Loncle
* Geopolitique du Sahel - Jean-Bernard Pinatel
* Études Internationales 126 - Dirassat Duwalya
* Note d’Analyse du GRIP - Le Centre du Mali : épicentre du djihadisme ? - Bounkary Sangare
*IMRAP Interpeace - Analyse locale des dynamiques de conflit et de résilience dans la zone de Koro-Bankass